samedi 2 mai 2015

Ma poésie : La chaîne des Mots


LA CHAÎNE DES MOTS

Les Mots sont les maillons en or d'une chaîne
À laquelle s'attache une âme en détresse
Pour s'arracher aux démons de la Géhenne
Qui l'attirent vers Lui, loin de la prêtresse…

Elle, aimant à tirer par la chaîne des Mots
Cette âme en peine vers Dieu, d’en haut du gouffre,
La sauve, sans qu'elle éprouve un front face aux maux,
De l’emprise démoniaque dont elle souffre…

De cette chaîne infaillible, les Mots sont les maillons d'or
Qui se sont liés à cette âme en ses noirs et froids tourments
Pour la traîner docile au lit de la vie où elle dort,
Enfoncée à mourir sous un pur drap blanc d'enterrement…

Ainsi lovée dans cette divine couverture,
Elle est évincée de la vie vers le rêve d'un ailleurs,
Ce Ciel où elle voit clairement à soi l'ouverture
- À travers ses nues qui fuient - vers un avenir meilleur…

Mais quand parfois, du haut de Son trône infernal,
Il essaie de la défaire de ces Mots liés en maillons,
À l'opposé de cet endroit subliminal,
L'âme, du saint cocon, tombe comme un lourd papillon…

Elle chute alors tout le long de la chaîne infinie
Qui l'accroche là-haut à cet écrin sacré,
Jusqu'à Lui, courroucé par sa naïve ignominie,
Aux profondeurs du Mal où Il rend Son décret :

« Ô toi, âme prisonnière de Dieu dans le fond du Ciel,
Il est encore temps de jeter sur toi Mon dévolu :
Je veux toujours que tu quittes ce lieu artificiel
En lequel tu as tant l’illusion que tu évolues !

Je suis l’être de tous les maux et tu Me combattras
Pour rentrer chez toi victorieux du fond de la Terre.
Dès lors s’achèvera enfin notre précieux contrat :
Mon plaisir, perdu, contre ta peine salutaire. 

Pour cela, retourne à la Terre et observe
Combien le réel est profitable à ta vie.
Ainsi, malgré tout ce que Je t’y réserve,
Tu n’auras plus l’impression que Je t’asservis. »

L’âme, alors, ne sait plus vers quoi se satisfaire :
Les Mots contre les maux ou les maux pour vivre ?
L’esprit au Paradis et le cœur en Enfer,
Elle oscillera sur Terre, errante ou ivre…

© Cédric Rochelet, 2015, Extrait de Décors au creux des Airs