dimanche 24 juillet 2016

Connaître, c'est vouloir le contrôle

Je vous invite à écouter ce long discours impliquant deux personnalités intéressantes : l'une spécialiste en neurologie (Lionel Naccache) et l'autre professeur de gestion (Claude Riveline). Il m'a passionné de bout en bout au point que je n'ai pas trouvé matière à discuter mis à part une chose avec quoi je ne peux être en accord. Il s'agit du mot de la fin par Lionel Naccache et je le relaye ici en mes termes : "il ne fait plus sens aujourd'hui de penser qu'accéder à la connaissance peut être potentiellement facteur de danger". Cela ouvre à une autre question que ce qui a été traité dans le discours, laquelle peut être formulée ainsi : à quoi peut aboutir le "chantier" relatif à la gestion de la sphère humaine (dans tous ses champs d'application) dans un futur donné ? Car si la question du contrôle a été bien abordée dans cette vidéo sous l'angle psychologique (à propos de ce qui est lié aux rites), elle ne l'a pas été du point de vue du Pouvoir (responsables d'Etat, directeurs d'entreprise, influents religieux, publicitaires et autres instances). Et c'est donc sur ce point que je vais succinctement me pencher maintenant, avant de vous laisser suivre à votre gré ce brillant discours.

Si j'ai bien compris ce qui est dit dans la vidéo, on peut affirmer que le Pouvoir (à savoir le pan d'acteurs qui nous dirigent) a des façons d'influencer la sphère humaine via lesquelles des formes de rites sont adoptées ou développées. Ainsi, de l'accès à la connaissance à la gestion de la sphère humaine et de la gestion de la sphère humaine au contrôle, n'y aurait-il pas un risque d'être voué de plus en plus à l'emprise d'un "siège" ? Un "siège" non pas comme évoqué dans le discours pour qualifier le fait que des comportements rituels nous obsèdent et sont alors à remédier mais comme une force empêchant que l'on puisse au contraire s'arracher à la nécessité d'obéir à des rites (communs, ici). Par conséquent, une société dont l'idéal serait de pouvoir tout contrôler par l'accès à la connaissance peut être facteur de danger, ne serait-ce que dans l'idée de pouvoir être diagnostiqué "déviant", "divergent" ou que sais-je et d'être traité d'une certaine façon par rapport à cela, ou bien - ce qui est lié - d'avoir des difficultés pour s'assurer une place conforme au sein d'un système ultra-codé. Voilà comment la poursuite d'un idéal peut condamner une société à un sort dystopique !

samedi 2 juillet 2016

L'humain et l'animal


Qu'on ait un sens moral ou éthique, c'est quelque chose qui nous différencie des autres animaux (j'écrirai "l'animal" par commodité dans la suite du texte). Ainsi, grâce à cela, on peut s'empêcher de tuer quand tuer relève de quelque chose à faire (tuer pour s'alimenter, tuer par crainte, par haine de l'autre, par influence négative...) et non pas d'actions fortuites (tuer par accident, par inéluctabilité...). L'animal, quant à lui, n'ayant pas de sens moral ou éthique, ne peut donc pas avoir l'idée de s'empêcher de le faire lorsqu'il s'agit de tuer - d'autres bêtes ou des plantes - dans le but de se nourrir. C'est pourquoi, à la différence de l'être humain, l'animal est incapable de s'inviter lui-même à cesser de manger de la viande ou des plantes (et donc, pour cela, de tuer) , selon son mode d'alimentation. Alors que l'on peut vouloir œuvrer pour la cause animale et environnementale en ayant conscience que tuer détruit (sans parler de l'élevage et de l'agriculture intensifs que je laisse ici de côté), l'animal est limité, du point de vue de son rapport à la Nature, à la nécessité de satisfaire des besoins (se nourrir, apprendre, se protéger, se reproduire) qui lui permettent d'assurer son propre développement et sa propre survie. Mais bien entendu, l'animal satisfait ces besoins naturels selon la portée qu'il peut avoir dans la Nature et pour survivre et se développer, il est contraint de faire avec ce qui se présente à lui dans les limites de sa portée, et de s'efforcer à chasser s'il s'agit d'une bête sauvage carnivore. À la différence de l'animal, l'être humain peut choisir ce avec quoi il veut se nourrir en fonction d'autres facteurs que sa propre survie ou son propre développement. En effet, il est capable de baser aussi ses choix alimentaires sur des considérations morales ou éthiques liées à la vie animale et environnementale, et peut ainsi s'inviter lui-même à ne plus manger de viande. À ce propos, voici ce que Raphaël Enthoven érige comme un (vrai ?) problème, qu'il fait consister dans l'idée que si certaines personnes invitent l'humanité à ne pas manger de viande alors que l'animal non-végétarien en est incapable, elles font dès lors une différence fondamentale et malvenue entre l'être humain et l'animal :

« Aucun animal (dont le système digestif le permet) ne se prive de manger de la viande. En demandant à l’homme de s’en abstenir, les vegans exigent de l’homme ce dont les animaux sont incapables. Ce faisant, ils établissent entre l’homme et l’animal une différence de nature (au profit de l’homme) ! Le résultat, c’est un hyper-specisme qui arrache l’homme de la nature et l’installe sur un piédestal en lui demandant ce qu’il ne demande à aucun animal... »

À mes yeux, le problème n'est pas tant de faire cette différence mais il est plutôt de ne pas avoir le bon sens de mobiliser ce qui nous différencie de l'animal, d'exploiter cette richesse, en vue d'œuvrer (ou d'inspirer à œuvrer) pour ces valeurs auxquelles on a pu parvenir au cours de notre évolution. Avoir pu s'élever si haut dans les cieux de la conscience est comme avoir eu la chance de faire un voyage unique et rare. Et si la Nature est la maison à partir de laquelle on s'est acheminés jusque "là-haut", à quoi bon se garder en (et à notre) retour d'honorer celle-là (et les êtres qui l'habitent) des belles représentations (éthiques ou morales) qu'on a pu imprimer dans notre conscience, en les fixant, comme on fixerait du papier peint, sur ce qui nous entoure (dont les animaux) ? Pour finir, je dirai que les principes idéologiques et pratiques du véganisme sont louables et respectables mais il convient aussi d'affirmer que les végans n'en ont pas tous la même approche et ne se valent donc pas tous ni de la même façon.