mercredi 23 novembre 2016

Retour d'un long sommeil...

Bonsoir à vous,

Je viens annoncer, après trop de mois passés sans avoir pris la plume à des fins poétiques, la reprise de mes activités littéraires. Ainsi, depuis deux semaines environ, je travaille sur deux nouveaux poèmes qui seront peut-être inclus, parmi d'autres écrits, dans un prochain recueil, et j'ai terminé l'un d'entre eux la nuit dernière. 

Il s'agit, pour sa part, d'un poème engagé (mais riche en images) de 48 vers, en alexandrin et rimes croisées, sur la polémique ayant impliqué récemment l'artiste Damien Saez et, par extension (bien que ce ne soit qu'en abord), sur le libéralisme actuel. Je l'ai intitulé Le Fragment d'Or (extrait ci-dessous).

L'autre poème, quant à lui, est en hexasyllabe et consiste en une critique de certains aspects d'un système où la liberté n'est qu'illusion. J'y fais tout du long une métaphore filée du milieu routier. Il est toujours en cours d'écriture et je vais donc à présent pouvoir le poursuivre (extrait ci-dessous).

Pour ce qui est de mes deux grands projets poétiques, à savoir deux colossaux poèmes en cours depuis longtemps, j'en reprendrai petit à petit l'écriture au fil du temps, au gré de ma volonté. En détails, celui traitant d'un voyage introspectif compte environ 300 vers (ou plus) à l'heure actuelle et j'estime être à mi-chemin du point final ; et celui traitant du Progrès compte environ 250 vers et je pense arriver à son bout dans une centaine d'autres vers. J'espère avoir la motivation qu'il me faut !

En attendant d'autres news, je vous dis, chers lecteurs, à bientôt.
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Extrait du poème Le Fragment d'Or :
L’artiste en lutte qui, jusqu'au tréfond de soi, 
A toujours su rester fidèle à des principes, 
Bien qu'il se fût, à quelque écueil, heurté parfois
Et que d'aucuns l'aient pris, peut-être à tort, en grippe,
Brille à nouveau pour dire à ce monde poubelle
Qui s'auto-alimente et se pollue lui-même
Que leur libéralisme ô combien culturel,
Pyramide sans sol, est un piètre système.
Et nul n’a de contrôle (hormis tous les censeurs...),
Même pas cet artiste à l’égard de son œuvre,
Sur ce qui, de la cime aux vastes profondeurs,
Se déploie librement par des tas de manœuvres.

Extrait de l'autre poème (en cours) :
Comme des véhicules
À moteur organique,
On avance, on recule
Et on prend des virages,
Parmi d’autres qui lancent
Eux aussi sur ces voies
Déjà tracées d’avance
Leurs carcasses roulantes.

Ils s’opposent en chauffards
À nos roues alignées
Le long de ces trottoirs,
Des barrières et des traits
Qui s’imposent à chacun
Pour pouvoir se conduire
Comme on soumet quelqu'un
Aux diktats d’un empire.

dimanche 24 juillet 2016

Connaître, c'est vouloir le contrôle

Je vous invite à écouter ce long discours impliquant deux personnalités intéressantes : l'une spécialiste en neurologie (Lionel Naccache) et l'autre professeur de gestion (Claude Riveline). Il m'a passionné de bout en bout au point que je n'ai pas trouvé matière à discuter mis à part une chose avec quoi je ne peux être en accord. Il s'agit du mot de la fin par Lionel Naccache et je le relaye ici en mes termes : "il ne fait plus sens aujourd'hui de penser qu'accéder à la connaissance peut être potentiellement facteur de danger". Cela ouvre à une autre question que ce qui a été traité dans le discours, laquelle peut être formulée ainsi : à quoi peut aboutir le "chantier" relatif à la gestion de la sphère humaine (dans tous ses champs d'application) dans un futur donné ? Car si la question du contrôle a été bien abordée dans cette vidéo sous l'angle psychologique (à propos de ce qui est lié aux rites), elle ne l'a pas été du point de vue du Pouvoir (responsables d'Etat, directeurs d'entreprise, influents religieux, publicitaires et autres instances). Et c'est donc sur ce point que je vais succinctement me pencher maintenant, avant de vous laisser suivre à votre gré ce brillant discours.

Si j'ai bien compris ce qui est dit dans la vidéo, on peut affirmer que le Pouvoir (à savoir le pan d'acteurs qui nous dirigent) a des façons d'influencer la sphère humaine via lesquelles des formes de rites sont adoptées ou développées. Ainsi, de l'accès à la connaissance à la gestion de la sphère humaine et de la gestion de la sphère humaine au contrôle, n'y aurait-il pas un risque d'être voué de plus en plus à l'emprise d'un "siège" ? Un "siège" non pas comme évoqué dans le discours pour qualifier le fait que des comportements rituels nous obsèdent et sont alors à remédier mais comme une force empêchant que l'on puisse au contraire s'arracher à la nécessité d'obéir à des rites (communs, ici). Par conséquent, une société dont l'idéal serait de pouvoir tout contrôler par l'accès à la connaissance peut être facteur de danger, ne serait-ce que dans l'idée de pouvoir être diagnostiqué "déviant", "divergent" ou que sais-je et d'être traité d'une certaine façon par rapport à cela, ou bien - ce qui est lié - d'avoir des difficultés pour s'assurer une place conforme au sein d'un système ultra-codé. Voilà comment la poursuite d'un idéal peut condamner une société à un sort dystopique !

samedi 2 juillet 2016

L'humain et l'animal


Qu'on ait un sens moral ou éthique, c'est quelque chose qui nous différencie des autres animaux (j'écrirai "l'animal" par commodité dans la suite du texte). Ainsi, grâce à cela, on peut s'empêcher de tuer quand tuer relève de quelque chose à faire (tuer pour s'alimenter, tuer par crainte, par haine de l'autre, par influence négative...) et non pas d'actions fortuites (tuer par accident, par inéluctabilité...). L'animal, quant à lui, n'ayant pas de sens moral ou éthique, ne peut donc pas avoir l'idée de s'empêcher de le faire lorsqu'il s'agit de tuer - d'autres bêtes ou des plantes - dans le but de se nourrir. C'est pourquoi, à la différence de l'être humain, l'animal est incapable de s'inviter lui-même à cesser de manger de la viande ou des plantes (et donc, pour cela, de tuer) , selon son mode d'alimentation. Alors que l'on peut vouloir œuvrer pour la cause animale et environnementale en ayant conscience que tuer détruit (sans parler de l'élevage et de l'agriculture intensifs que je laisse ici de côté), l'animal est limité, du point de vue de son rapport à la Nature, à la nécessité de satisfaire des besoins (se nourrir, apprendre, se protéger, se reproduire) qui lui permettent d'assurer son propre développement et sa propre survie. Mais bien entendu, l'animal satisfait ces besoins naturels selon la portée qu'il peut avoir dans la Nature et pour survivre et se développer, il est contraint de faire avec ce qui se présente à lui dans les limites de sa portée, et de s'efforcer à chasser s'il s'agit d'une bête sauvage carnivore. À la différence de l'animal, l'être humain peut choisir ce avec quoi il veut se nourrir en fonction d'autres facteurs que sa propre survie ou son propre développement. En effet, il est capable de baser aussi ses choix alimentaires sur des considérations morales ou éthiques liées à la vie animale et environnementale, et peut ainsi s'inviter lui-même à ne plus manger de viande. À ce propos, voici ce que Raphaël Enthoven érige comme un (vrai ?) problème, qu'il fait consister dans l'idée que si certaines personnes invitent l'humanité à ne pas manger de viande alors que l'animal non-végétarien en est incapable, elles font dès lors une différence fondamentale et malvenue entre l'être humain et l'animal :

« Aucun animal (dont le système digestif le permet) ne se prive de manger de la viande. En demandant à l’homme de s’en abstenir, les vegans exigent de l’homme ce dont les animaux sont incapables. Ce faisant, ils établissent entre l’homme et l’animal une différence de nature (au profit de l’homme) ! Le résultat, c’est un hyper-specisme qui arrache l’homme de la nature et l’installe sur un piédestal en lui demandant ce qu’il ne demande à aucun animal... »

À mes yeux, le problème n'est pas tant de faire cette différence mais il est plutôt de ne pas avoir le bon sens de mobiliser ce qui nous différencie de l'animal, d'exploiter cette richesse, en vue d'œuvrer (ou d'inspirer à œuvrer) pour ces valeurs auxquelles on a pu parvenir au cours de notre évolution. Avoir pu s'élever si haut dans les cieux de la conscience est comme avoir eu la chance de faire un voyage unique et rare. Et si la Nature est la maison à partir de laquelle on s'est acheminés jusque "là-haut", à quoi bon se garder en (et à notre) retour d'honorer celle-là (et les êtres qui l'habitent) des belles représentations (éthiques ou morales) qu'on a pu imprimer dans notre conscience, en les fixant, comme on fixerait du papier peint, sur ce qui nous entoure (dont les animaux) ? Pour finir, je dirai que les principes idéologiques et pratiques du véganisme sont louables et respectables mais il convient aussi d'affirmer que les végans n'en ont pas tous la même approche et ne se valent donc pas tous ni de la même façon.

lundi 2 mai 2016

La plume enfin reprise...


Après avoir mis mes projets poétiques en pause pendant plusieurs mois durant, je vous annonce enfin la reprise de l'un d'entre eux depuis quelques jours. Il s'agit d'un long poème, ou plutôt d'une histoire poétique, en vers (alexandrins) sur le thème du Progrès, que j'avais entamé précisément le 4 juillet 2015 en pleine canicule et peu après mon installation dans la ville des Lumière. Actuellement, je travaille sur la troisième (et dernière) partie, laquelle est déjà pas mal avancée (la suite à écrire s'annonce plutôt difficile mais passionnante !). Afin de vous présenter un peu ce poème, voici un petit résumé sans aucune prétention d'exhaustivité : une sorte d'épopée humaine qui s'articule autour de l'effort incessant que l'on exprime en vue de s'acheminer le plus loin possible dans les hauteurs de la montagne du Progrès, d'où on a laissé naître et grandir derrière nous une Ombre à ce qu'on y accomplit jour après jour. Une Ombre qui nous poursuit jusque dans l'effort-même d'œuvrer pour la chasser de notre Empire et qui semble vouloir nous coller à la peau, comme si l'on était à la fois ses parents - responsables d'elle malgré nous - et les acteurs du Progrès dans lequel elle croît. C'est ainsi qu'au sommet de la montagne où l'on parviendra, le déclin de la Terre, orchestré dans l'Ombre de notre Empire, aboutira à l'abandon de la planète, qu'on quittera pour de lointains cieux. Mais, n'ayant ainsi plus aucun sol à élever, cette Ombre nous suivra-t-elle aux confins de l'Univers ? Mystère...

Ma poésie : Mémoire de la Terre : Enfer et Paradis


Voici l'un de mes vieux et modestes poèmes d'il y a bien 5 ans sur un thème récurrent de ma poésie : le rapport de l'Homme à la Nature (entremêlé de spiritualité). Il est inclus dans mon premier recueil, 'Décors au creux des Airs', et c'est avec un grand plaisir que je tiens à le partager ici avec vous. Le voici...


MÉMOIRE DE LA TERRE : ENFER ET PARADIS

Je me souviens du Paradis
Lorsque j’étais à la Terre,
Où Dieu, à son départ, a dit :
« Si Je dois pour vous Me taire,
Animaux contre-nature,
C’est qu’il est en Mon grand projet
De rompre Ma dictature
Et de vous prendre pour sujets
Dans une expérience hardie :
Celle de votre liberté
Où le divin a déserté
Et où seront ablafardies
Les lumières de vos âmes
En proie aux ombres infâmes.
Puissent-elles encore diriger
Toutes vos actions vers le Bien
Pour continuer d’ériger
Un monde qui restera Mien ! »

C’était un lieu où l’Homme était aux êtres lié
Dans l’intimité d’un pieux amour oublié ;
Et c’est ainsi qu’il prenait d’eux le plus grand soin,
Non pas sous le joug d’un devoir mais par besoin ;
Et c’est ainsi qu’ils lui rendaient grâce en retour,
Le comblant de bien-être et de paix chaque jour.

C’était un lieu où l’Homme à lui laissait venir
Les murmures des êtres, échos de l’à-venir ;
Et c’est ainsi qu’il portait d’eux un message :
« Écoute, ouvre-toi et permets le passage ! » ;
Et c’est ainsi qu’ils étaient comme les rayons
D’un soleil qui éclairent l’acte et le crayon.

Je me souviens de l’Enfer
Lorsque j’étais à la Terre,
Où Satan, de Son trône en fer,
A dit : « Est venue mon ère,
Animaux contre-nature ;
Celle de la domination.
C’est une grande aventure
- Dont Je suis l’abomination -
Qui a pour vous bien commencé.
Changez la Nature en produits !
Faites-en un objet d’esprit !
N’ayez donc pas peur d’avancer :
Vous pouvez tant vous permettre,
De la Terre comme maîtres !
Que les ombres de vos âmes
Vous abritent bien du soleil
Qui vous aveugle à ma trame
Au sortir de votre sommeil ! »

C’était un lieu où l’Homme avait défiguré
Le spectre à la Nature, à si peu l’augurer ;
Et c’est ainsi qu’il engendrait l’artificiel,
Sous la sainte désertification du Ciel ;
Et c’est ainsi qu’à lui changeaient d’existence
Les êtres, en passant de la Nature aux sciences.

C’était un lieu où l’Homme était fait esclave
Du spectre d’un techno-monde, son enclave ;
Et c’est ainsi qu’il perdait tout le contrôle
Sur le sens des actions par où il jouait un rôle ;
Et c’est ainsi qu’au prix de ce grand sacrifice,
Il régnait sur les êtres loin du sacré fils.

Je suis, des êtres réunis
De la Terre, la Mémoire
Qui s’écoule vers l’infini
Dans les pages de l’Histoire.
Et le grand livre de l’Homme
Se referme à lui à présent
Pour qu’il ouvre un nouveau tome
À cette histoire et tous ces ans.
L’Homme, en effet, ayant eu peur
De sa tombée de conscience
Dans le puits sans fond des sciences,
Va, maintenant, avec stupeur,
Assister sous ses millions d’yeux,
Sur la Terre, au retour de Dieu :
« Homme ! Tu es allé au bout
De Mon projet d’expérience !
Vois-tu enfin comme il est fou
De fuir les saintes croyances ? »

© Cédric Rochelet, 2015, Extrait de 'Décors aux creux des Airs'

mardi 26 avril 2016

La crise de l'« habitat »


Nous marchons sur le chemin de la perdition mais avons parfois besoin de nous retrouver, alors nous nous rendons pour cela dans la Forêt où nous nous enfonçons encore davantage en fait, au fil de nos pas, dans le sentiment de comprendre toujours un peu mieux à quel point nous sommes perdus. Ainsi va la vie : on se perd d'abord puis on se perd davantage en voulant se retrouver... sans jamais se retrouver. Heureusement que bûcherons et forestiers s'y connaissent en chemins : ils nous indiquent où les chemins mènent au mieux, à savoir nulle part... Grâce à eux, nous sommes bien avancés. Merci ! Et l'Ennui étant le maître-mot du séjour en cette Forêt, nous faisons quelques efforts - littéraires, musicaux, spirituels, philosophiques - pour y pallier, invitant par là même le monde à suivre nos traces et nous rejoindre ici, où il n'y a rien à gagner... Quand serons-nous enfin prêts à accéder à ce sens enfoui sous les structures de "leur" Empire ? Quand pourrons-nous ainsi retourner sur les pas qui nous ont depuis jadis éloigné de notre Maison ? Puissions-nous un beau jour « habiter » à nouveau la Terre et nous libérer ainsi des affres de l'Ennui !

jeudi 7 avril 2016

La société courtisane...


La société (de consommation), cette femme-objet (de désir) qui se reflète en bonne hypocrite quand celle-là, d'un regard implacablement lancé sur tout ce qui s'exhibe devant elle au nom du Plaisir, renie ce qu'elle est en face du miroir dans lequel son reflet prude veille strictement sur elle ; ce qu'elle est, cette société ? Une courtisane excitante et jouissive à l'excès ! Ainsi, elle influe de bon cœur sur nos comportements d'un côté (en femme-objet) mais censure avec fermeté nos expressions de l'autre (en bonne hypocrite). Eh oui, elle est en droit de nous séduire et de nous pervertir avec ses formes aguicheuses - ô Publicité ! -, mais on n'est permis de toucher sa gracieuse étendue corporelle qu'en ne l'affectant pas de choses à caractère sensible, ou du moins qu'elle estime comme étant potentiellement dérangeantes. En cela, il faudrait donc que l'on jouisse de ce qu'elle expose à la lumière du dieu Profit sans que les expressions dont on se fait auteurs en conséquence des influences qu'elle a sur nous soient indélicates en regard de sa soi-disant - mais fausse ! - image vertueuse. Alors, comment résister face à cette courtisane irrésistible, à la fois d'attirance et d'autorité, qu'est la société (de consommation) ? Peut-être en brisant tous ces écrans qui masquent d'un désir virtuel le visage d'une liberté perdue depuis trop longtemps, qui sait...

samedi 2 avril 2016

Le Progrès, ou la montagne rêvée


À quoi bon nous arrêter sur la question de savoir à quelle fin nous existons lorsqu'on ne sait même pas "voir" de quelle façon nous nous comportons dans notre existence (à savoir ici dans notre rapport à ce qui nous entoure), en regard de la cause éthique/morale ? Et ce n'est pas parce qu'on a une qualité (pour quelque chose) à développer qu'il faut n'avoir à l'esprit que d'atteindre le sommet de son développement ; mieux vaut parfois gravir la montagne avec prudence et soin pour éviter des dommages autant que faire se peut. C'est du moins notamment de cette façon-là que nous devrions nous comporter dans notre rapport au Progrès, cet effort incessant d'élever les sols sur lesquels notre empire repose aussi haut qu'une montagne rêvée, à force d'imagination, de travail et de savoir.

Mais concernant cet idéal du Progrès, si les risques encourus peuvent être perçus "de loin" comme étant trop importants pour valoir la peine d'être pris dans l'idée de parvenir à notre fin, mieux vaut dans ce cas nous défendre de réduire la distance qui nous maintient à l'écart de ces risques afin d'éviter qu'il soit trop tard pour avoir encore le choix de ne pas les prendre, et cela peu importe où nous nous situons sous le sommet de cette montagne auquel nous rêvons de toucher. Car, en effet, nous avons beau vouloir viser un bien, voire le plus grand bien possible, en montant dans les hauteurs de celle-ci, tout ce que nous laissons pendre derrière nous est une chaîne folle à quoi nous tenons sans aucun frein ni pour redescendre ni, puisqu'ainsi nous craignons de rester immobile, pour continuer de monter. 

Alors, craignant l'immobilité plus que l'élévation, nous continuons de gravir la montagne en vue de parvenir à ce bien pour lequel nous prenons donc de sérieux risques d'impacter ce qui nous entoure de certains maux inconsidérés. Et même quand ces maux, de par leur ampleur, remettent en question le bien-fondé du but que nous visons, cela ne nous empêche pas de nous sentir devoir encore et toujours grimper vers le sommet de cette montagne en laissant derrière nous s'échapper, sous chaque niveau d'avancée auquel nous parvenons, ce produit dégradant de fait humain - ô fléau sans nom du Progrès ! - qui affecte de mille façons les roches dans lesquelles nous avons formé notre idéal... et au sommet desquelles nous voudrions pourtant l'atteindre ! Ou l'art fascinant de détruire en créant... 

Voilà pourquoi il nous faut apprendre à "voir" de quelle façon nous nous comportons dans notre existence avant de chercher à lui fixer un but : parce que l'humain est un être "assez" contradictoire !

mercredi 30 mars 2016

Baudelaire et le Progrès


Depuis longtemps déjà, je soutiens cette idée que le Progrès est une grande course dont le but est de grimper au plus haut d'une montagne, comme d'un podium à la première place duquel se hisser. Mais vous êtes-vous déjà posés cette question cruciale : si cette montagne avait un sommet défini, comment le définirait-on et qu'y aurait-il à voir en aval de l'autre côté quand on l'aurait atteint ? La question a beau se décliner de mille façons différentes à chaque fois que j'emprunte ce bon vieux chemin de pensée au cours duquel elle se forme, la réponse est toujours la même à mon esprit : le sommet de cette montagne serait le point de non-retour et c'est le déclin qu'on verrait en aval de l'autre côté. Voilà comment le spectre du Progrès, venu depuis des siècles nous hanter, nous accule au plus haut de ce grand podium afin que, quoi qu'on veuille faire en vue de redresser la pente du déclin une fois parvenus à un tel sommet, l'on ne puisse plus faire que la descendre, et ce malgré ces efforts faits pour arriver le moins vite possible à la fin du compte à rebours fatal. Mais si, dans l'Histoire, certains mirent déjà en garde contre l'idée du Progrès comme une chose à soutenir et à accomplir en actes sans réserve, il en est un qui l'a fait si brillamment qu'il serait lui manquer d'honneur de m'étendre ici davantage. Alors, place à ce grand poète du monde moderne avec l'un de ses écrits publié dans 'Curiosités esthétiques' et répondant à l’Exposition universelle de 1855 (grande fête organisée par le régime impérial pour célébrer sa modernité), j'ai nommé Charles Baudelaire.

" Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l’enfer. — Je veux parler de l’idée du progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s’évanouit, le châtiment disparaît. Qui veut y voir clair dans l’histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens que lui imposait l’amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s’endormiront sur l’oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude. Cette infatuation est le diagnostic d’une décadence déjà trop visible.

Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens ; tant il s’est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l’ordre matériel et de l’ordre spirituel s’y sont si bizarrement confondues ! Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel.

Si une nation entend aujourd’hui la question morale dans un sens plus délicat qu’on ne l’entendait dans le siècle précédent, il y a progrès ; cela est clair. Si un artiste produit cette année une œuvre qui témoigne de plus de savoir ou de force imaginative qu’il n’en a montré l’année dernière, il est certain qu’il a progressé. Si les denrées sont aujourd’hui de meilleure qualité et à meilleur marché qu’elles n’étaient hier, c’est dans l’ordre matériel un progrès incontestable. Mais où est, je vous prie, la garantie du progrès pour le lendemain ? Car les disciples des philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques l’entendent ainsi : le progrès ne leur apparaît que sous la forme d’une série indéfinie. Où est cette garantie ? Elle n’existe, dis-je, que dans votre crédulité et votre fatuité.

Je laisse de côté la question de savoir si, délicatisant l’humanité en proportion des jouissances nouvelles qu’il lui apporte, le progrès indéfini ne serait pas sa plus ingénieuse et sa plus cruelle torture ; si, procédant par une opiniâtre négation de lui-même, il ne serait pas un mode de suicide incessamment renouvelé, et si, enfermé dans le cercle de feu de la logique divine, il ne ressemblerait pas au scorpion qui se perce lui-même avec sa terrible queue, cet éternel desideratum qui fait son éternel désespoir ?

Transportée dans l’ordre de l’imagination, l’idée du progrès (il y a eu des audacieux et des enragés de logique qui ont tenté de le faire) se dresse avec une absurdité gigantesque, une grotesquerie qui monte jusqu’à l’épouvantable. La thèse n’est plus soutenable. Les faits sont trop palpables, trop connus. Ils se raillent du sophisme et l’affrontent avec imperturbabilité. "

dimanche 27 mars 2016

La question de l'existence


Chers lecteurs,

Une question s'impose : qu'est-ce qu'exister ? On dit "Quelque chose existe" ou "Quelque chose n'existe pas", mais d'abord... Qu'est-ce qu'exister ? C'est une question embarrassante à côté de laquelle on aimerait bien passer, dans l'espoir d'y mettre un jour un point final au cours de notre chemin. Dès lors, on se rendra peut-être compte que si l'existence était la question, on en aura "été" (au sens d'un vécu) la réponse rien qu'en nous y arrêtant le moins possible. Alors, quand vous vous demanderez s'il faut vous arrêter à cette question, préférez plutôt être à l'instar d'un train express : "sans arrêt jusqu'à destination", c'est-à-dire jusqu'au point final indéfini de l'interrogation... D'ailleurs, Dieu existe-t-il et dans quelle réalité ? Vous aurez compris qu'il est donc vain de s'arrêter sur la question, la réponse étant à trouver dans l'expérience continue de l'existence.

Par ailleurs, on pourrait (presque) rencontrer parfois des gens dont on n'entendrait qu'un seul mot jaillir de leur bouche avec ardeur lorsqu'ils s'adressent à Dieu : "Existe en Ciel !". Curieusement, ce serait peut-être bien souvent ceux-là qui préfèreraient s'en remettre au Ciel pour se rassurer de l'irresponsabilité de leurs actes sur Terre et outrepasser le postulat existentialiste selon lequel c'est ce que l'on fait (nos façons d'exister) qui détermine ce que l'on est et sera (nos façons d'être). "Existe en Ciel !", qu'ils diraient... La Liberté a parfois un si beau visage qu'elle porte un masque pour se cacher d'elle-même, à savoir d'une facette affreuse dans l'expression de laquelle la responsabilité n'est plus qu'un charme rompu par la soi-disant "puissante magie des enfers"...

Ah, les enfers ! Ces lieux dont les rouages et les chaînes nous font - et nous font rester - esclaves de nous-mêmes en ce que l'on est : des êtres soumis à la nécessité de devoir être. Et vu qu'il n'est pas du tout rassurant de se faire à l'idée que ce que l'on est détermine ce que l'on fait et fera, il fallait donc bien vouloir que Dieu existe en Ciel pour pouvoir légitimer notre impossibilité d'exercer librement notre responsabilité sur Terre... N'est-ce pas ? Ainsi, "Dieu nous pardonne(ra) les enfers que l'on éprouve", du haut de son "tribunal de Justice absolument supérieur" au monde d'ici-bas, qu'il soit d'ailleurs indépendant ou miséricordieux en regard de nos affaires. Voilà ce qu'on en vient à se dire et cela nous permet d'être rassurés, quand bien même on fait tellement n'importe quoi sur Terre qu'on met la Vie en péril !

Ainsi, l'existence humaine est un tiraillement permanent entre la nécessité d'agir en fonction de ce que l'on est (par devoir ou par influence) et la nécessité d'être (de telle ou telle façon) en fonction de ce que l'on fait (par vouloir ou par détermination). Et dans ce grand tiraillement se pose donc la question de la responsabilité qui, selon son degré d'implication dans les rapports que l'Homme entretient avec ce qui l'entoure, affecte la valeur de la Liberté, cet ange dont le visage peut se révéler ou gracieux ou disgracieux. Il serait gracieux si la Liberté se caractérisait par la capacité de se mouvoir vers le mieux dans notre être en vue d'améliorer notre environnement, mais le revers négatif de ce visage est qu'on peut tout aussi bien régresser dans cet acte si l'on choisit de négliger notre devoir-être responsable en adoptant le droit d'agir en marge de tout principe éthique ou moral, ce qui le rendrait disgracieux. 

Par conséquent, si la question de l'existence humaine peut se résoudre sans le concours d'une implication "céleste" au vu de l'impact destructeur que cela peut causer dans nos rapports à la Terre, cette question ne peut toutefois se résoudre indépendamment de celle de notre responsabilité, et cela d'autant moins que j'ai montré plus haut à quel point le Ciel peut en fait - et malgré sa propension fabuleuse à y répondre ! - compromettre la résolution du problème existentiel ici posé. Car la résolution d'une question de ce genre est toujours l'aboutissement positif d'un effort visant à répondre à un sujet problématique, ici potentiellement destructeur en l'occurrence (l'agir humain). Il serait donc absurde de penser que le Ciel pourrait résoudre le problème de l'existence humaine s'il permet de dédouaner l'Homme de son indisposition à répondre à l'appel du devoir-être et de l'agir responsables, sur Terre. Mais il est vain de s'arrêter sur la question, la réponse étant à trouver dans l'expérience continue de l'existence... Donc je vous laisse à présent continuer votre chemin. 

À bientôt !

samedi 6 février 2016

À propos de Dieu


Salutations à vous !

Avant tout, je dois à nouveau vous présenter mes excuses pour m'être aussi longtemps absenté. Il se pourrait bien que j'ai battu cette fois-ci mon précédent record d'absence et cela me laisse quelque peu soucieux. Je me laisse envahir par d'autres occupations telles que la musique (entre autres, ma pratique du piano) et, depuis un bon moment, je traverse ainsi une période en laquelle rien ne m'appelle à reprendre la plume afin de poursuivre mes projets poétiques en cours. Du moins, pour le moment. Cela dit, j'ai quand même écrit tout récemment, animé par le désir de partager un point de vue important de mon écospiritualité, un texte de forme philosophique à propos de ma conception de Dieu, car j'aime en effet cultiver cette idée dans mon approche spirituelle du monde. Le voici :

Déjà, je ne conçois pas d'autre Dieu que Celui qui se fond dans la Nature (à savoir ici l'ensemble des êtres et des choses terrestres). Dieu est pour moi le principe d'une dimension parallèle intrinsèque à la Nature (en tant qu'étendue physique) et cette dimension qu'Il représente est le parfait reflet de tout ce qui résulte de nos rapports avec et parmi les êtres/choses terrestres. C'est ainsi que Dieu se regarde et se meut à travers nous, la sphère sauvage (faune, flore, eau, roche, air, etc...) et la sphère humaine (immobilier, mobilier, produits de consommation artificiels, etc...), et c'est selon les rapports que nous et ces deux sphères ont entre eux, les uns envers les autres, qu'il s'exprime des choses, certes complexes. Ces choses, prises ensemble et se rapportant à l'état d'une situation locale ou globale donnée, nous invitent à apprécier un résultat éthique plus ou moins positif selon la façon dont l'état de cette situation affecte notre espèce, les autres et nos environnements respectifs.

À l'image de quelqu'un qui se regarde dans un miroir et qui se voit affecté d'un visage plus ou moins perfectible, Dieu s'épanouit ou pâtit selon la façon dont l'état de la Nature l'affecte et cela se traduit donc nécessairement, dans l'étendue physique, par des expressions sur le visage de celle-ci. Des expressions auto-alimentées sous les sens de tout être doué de perception (quelle qu'en soit la forme), donc de tout être vivant ; de telle sorte que nous, la faune et la flore éprouvions les répercussions de tout ce qui résulte de nos rapports avec et parmi le monde vivant et non-vivant. Autrement dit, le monde vivant, en tant qu'il est doué de perception, est affecté par tout ce que lui renvoie le reflet de Dieu, c'est-à-dire l'état (du visage) de la Nature qui résulte de ce que nous faisons en son sein. C'est donc en fonction de ce que nous faisons dans la Nature, dans nos différents rapports avec elle et par lesquels on modifie son visage, que Dieu s'exprime en se regardant à travers elle (nous, la sphère sauvage et la sphère humaine), ce qui peut la faire aussi bien baigner dans des influences positives que dans des influences négatives, selon le résultat éthique atteint.

Ainsi, même si vous ne partagez pas ma conception de Dieu (que j'aurai très bien pu éviter d'invoquer si je ne voulais pas inspirer à de belles choses...), vous aurez quand même peut-être compris que nous sommes tous embarqués dans le même bateau et qu'une ou plusieurs personnes (jusqu'à tout le monde) ne pourront pas se voir accordées le pardon d'un quelconque Dieu (et encore moins leur place dans un au-delà merveilleux), d'autant moins si ces personnes y sont pour beaucoup dans la défiguration de la Nature. Au contraire, c'est la Nature toute entière (y compris nous, donc) qui en paiera (et qui en paie déjà) le prix ! Si, en effet, Dieu (Celui que je conçois) se manifeste dans la Nature par des expressions négatives en se regardant à travers elle, à savoir son autre Lui, et qu'Il abat ainsi en son sein de la peine, du malheur et de la haine de soi, c'est que la Nature est en train de s'auto-détruire et qu'elle n'épargnera aucun être vivant dans son processus. 

Voilà, il ne me reste plus qu'à conclure en vous invitant à trouver (et/ou à persévérer dans) une voie par laquelle la Nature pourrait se voir un jour peut-être esquisser pour le plus longtemps possible, sous les "yeux" du monde vivant de la Terre, le beau sourire qu'il lui manque à notre époque. À bientôt, chers lecteurs !