jeudi 16 avril 2015

Ma poésie : Les campagnes publicitaires


LES CAMPAGNES PUBLICITAIRES

Campagnes publicitaires
À l'odeur discrète de blé,
Dont les champs alimentaires
- Radio, presse écrite ou télé -
Sont moissonnés. Ô Déméter,
Reste loin de ces démêlés !
On entend les gens se taire
Comme de bons moutons bêler,
Mais les moulins de la Terre
Tournent : qui veut se rebeller ?

Volons à la folle révolte,
Au grand souffle d'un vent changeur,
Qui briserait dans leur volte
Les pales des moulins majeurs.
Visons cette folle récolte,
Aux canons de nos chants vengeurs
Qui, comme des balles de colt,
Perceraient tous les fronts vanteurs.
Entravons la virevolte
Du blé dans son cycle engrangeur !

Mais les gens, roulés sur les voies
De ces campagnes qui polluent,
Vont se rendre avec ou sans joie,
Par cars entiers de désirs mus,
Dans les magasins de leur choix.
Séduits par les produits promus,
Ils sont attendus comme un roi
Aux mille caisses où leur dû
Nourrit les moulins de plein droit,
Dans lesquels ce blé est moulu.

Cette farine alimente
La vie dans le monde marchand
- Campagnes et lieux de vente -
Pour jeter les moutons marchant
Dans la gueule des loups de rente.
Ils les saignent de leur argent
Qui, par bouchées permanentes,
Poursuit, dans ces moulins mâchant,
Sa chaîne bouclée incessante
À quoi sont retenus ces gens.

Coupons les mains de ces meuniers
Qui nous roulent - dans leur farine -
Où l'on grossit les financiers
Dont la recette est si facile.
Échappons au pénitencier :
Ces champs où l'on paît, docile,
Les tiges du blé ; tant viciés
De campagnardes usines.
Délivrons tous les prisonniers
Que ces campagnes fascinent !

Notre liberté de choisir,
Faculté qu'il faut préserver,
On ne doit la laisser moisir.
En son nom, soyons énervés
Que médias nous ôtent loisir
De nous laisser seuls observer
Ce qui peut nous faire plaisir
Sur place, en toute liberté :
Vouloir, cet immédiat désir
Contre tout média, conserver !

© Cédric Rochelet, 2015, Extrait de Décors au creux des Airs


mardi 7 avril 2015

Ma poésie : Là où l'Ombre était une fois...


LÀ OÙ L'OMBRE ÉTAIT UNE FOIS...

Là où l'Ombre était une fois
Luisait une belle luciole.
Je l'ai suivie au fond du bois,
Au crépuscule des idoles.

Mais la luciole, devant moi,
A disparu comme enlevée
Au fond de la forêt sans foi
Quand j'ai vu l'aube se lever,
Juste après qu'elle m'ait dit : "Vois !"
Puis, tous les arbres élevés
Ont joint, courbés, leur cime, en toit,
Comme un abri pour préserver

Leur sol de ces célestes voix
Que l'air, la foudre et le soleil,
La pluie, la neige, aussi, parfois,
Portent sans parole, en sommeil.
Les dieux sont tus au sein du bois,
Ne parlent plus à mes oreilles,
À mon regard et à ma foi.
Que peut m'offrir un temps pareil ?

Là où l'Ombre était une fois,
Dans cette forêt qui s'étiole
À devenir un temple-roi,
Luisait une belle luciole.

Et ce ténébreux spectre, à quoi
Les arbres ont cru bon de vouer
Leur sol, a auguré la voie
D'un temps sans dieux à me dévouer.
Ce jour a donc point dans la joie
De la forêt au sol dénoué
D'avec le Ciel qui s'apitoie
De n'être ainsi plus du tout loué.

Lui, que supportent comme un poids
Les cimes feuillues de ces arbres,
Est empêché par ce grand toit
D'affecter trop leur sol si sombre.
Il est le Ciel d'un jour en proie
Au grand règne de ces ténèbres,
Qu'Il touche un peu de Ses longs doigts
Mais pas assez contre l'opprobre.

Là où l'Ombre était une fois
Luisait une belle luciole
Ainsi qu'un feu d'espoir flamboie,
Pour garder en vie les idoles.

Et maintenant que tout le bois,
Dans l'aube de ce jour nouveau,
A choisi l'Ombre comme voie
En s'abritant du Ciel si beau,
J'assiste alors en désarroi,
Sur ce grand sol mis à niveau
Pour élever le temple droit,
Au culte obscur de ses travaux.

Gouvernant tout comme un seul roi,
Cette forêt coupée des dieux
N'obéit plus qu'aux mille lois
Qui l'ont déliée des voix des cieux.
Mais j'ai encore au fond de moi
Le souvenir si mystérieux
De l'être cher qui m'a dit "Vois !",
Pour témoigner de maux sérieux.

Là où l'Ombre était une fois,
J'ai osé prendre la parole,
Seul à la barre et face au bois.
Reviendras-tu briller, luciole ?

© Cédric Rochelet, 2015, Extrait de Décors au creux des Airs