mardi 7 avril 2015

Ma poésie : Là où l'Ombre était une fois...


LÀ OÙ L'OMBRE ÉTAIT UNE FOIS...

Là où l'Ombre était une fois
Luisait une belle luciole.
Je l'ai suivie au fond du bois,
Au crépuscule des idoles.

Mais la luciole, devant moi,
A disparu comme enlevée
Au fond de la forêt sans foi
Quand j'ai vu l'aube se lever,
Juste après qu'elle m'ait dit : "Vois !"
Puis, tous les arbres élevés
Ont joint, courbés, leur cime, en toit,
Comme un abri pour préserver

Leur sol de ces célestes voix
Que l'air, la foudre et le soleil,
La pluie, la neige, aussi, parfois,
Portent sans parole, en sommeil.
Les dieux sont tus au sein du bois,
Ne parlent plus à mes oreilles,
À mon regard et à ma foi.
Que peut m'offrir un temps pareil ?

Là où l'Ombre était une fois,
Dans cette forêt qui s'étiole
À devenir un temple-roi,
Luisait une belle luciole.

Et ce ténébreux spectre, à quoi
Les arbres ont cru bon de vouer
Leur sol, a auguré la voie
D'un temps sans dieux à me dévouer.
Ce jour a donc point dans la joie
De la forêt au sol dénoué
D'avec le Ciel qui s'apitoie
De n'être ainsi plus du tout loué.

Lui, que supportent comme un poids
Les cimes feuillues de ces arbres,
Est empêché par ce grand toit
D'affecter trop leur sol si sombre.
Il est le Ciel d'un jour en proie
Au grand règne de ces ténèbres,
Qu'Il touche un peu de Ses longs doigts
Mais pas assez contre l'opprobre.

Là où l'Ombre était une fois
Luisait une belle luciole
Ainsi qu'un feu d'espoir flamboie,
Pour garder en vie les idoles.

Et maintenant que tout le bois,
Dans l'aube de ce jour nouveau,
A choisi l'Ombre comme voie
En s'abritant du Ciel si beau,
J'assiste alors en désarroi,
Sur ce grand sol mis à niveau
Pour élever le temple droit,
Au culte obscur de ses travaux.

Gouvernant tout comme un seul roi,
Cette forêt coupée des dieux
N'obéit plus qu'aux mille lois
Qui l'ont déliée des voix des cieux.
Mais j'ai encore au fond de moi
Le souvenir si mystérieux
De l'être cher qui m'a dit "Vois !",
Pour témoigner de maux sérieux.

Là où l'Ombre était une fois,
J'ai osé prendre la parole,
Seul à la barre et face au bois.
Reviendras-tu briller, luciole ?

© Cédric Rochelet, 2015, Extrait de Décors au creux des Airs


2 commentaires:

  1. + ç est tout simplement superbement écrit merci pour cette promenade dans des bois qui retrouveront la lumière, J en suis certaine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup pour ce commentaire si positif, ça me fait bien plaisir ! Et j'espère aussi le retour de cette lueur dans la nuit prochaine en vue d'un demain réenchanté à soi. Au plaisir de vous croiser à nouveau !

      Supprimer