samedi 2 avril 2016

Le Progrès, ou la montagne rêvée


À quoi bon nous arrêter sur la question de savoir à quelle fin nous existons lorsqu'on ne sait même pas "voir" de quelle façon nous nous comportons dans notre existence (à savoir ici dans notre rapport à ce qui nous entoure), en regard de la cause éthique/morale ? Et ce n'est pas parce qu'on a une qualité (pour quelque chose) à développer qu'il faut n'avoir à l'esprit que d'atteindre le sommet de son développement ; mieux vaut parfois gravir la montagne avec prudence et soin pour éviter des dommages autant que faire se peut. C'est du moins notamment de cette façon-là que nous devrions nous comporter dans notre rapport au Progrès, cet effort incessant d'élever les sols sur lesquels notre empire repose aussi haut qu'une montagne rêvée, à force d'imagination, de travail et de savoir.

Mais concernant cet idéal du Progrès, si les risques encourus peuvent être perçus "de loin" comme étant trop importants pour valoir la peine d'être pris dans l'idée de parvenir à notre fin, mieux vaut dans ce cas nous défendre de réduire la distance qui nous maintient à l'écart de ces risques afin d'éviter qu'il soit trop tard pour avoir encore le choix de ne pas les prendre, et cela peu importe où nous nous situons sous le sommet de cette montagne auquel nous rêvons de toucher. Car, en effet, nous avons beau vouloir viser un bien, voire le plus grand bien possible, en montant dans les hauteurs de celle-ci, tout ce que nous laissons pendre derrière nous est une chaîne folle à quoi nous tenons sans aucun frein ni pour redescendre ni, puisqu'ainsi nous craignons de rester immobile, pour continuer de monter. 

Alors, craignant l'immobilité plus que l'élévation, nous continuons de gravir la montagne en vue de parvenir à ce bien pour lequel nous prenons donc de sérieux risques d'impacter ce qui nous entoure de certains maux inconsidérés. Et même quand ces maux, de par leur ampleur, remettent en question le bien-fondé du but que nous visons, cela ne nous empêche pas de nous sentir devoir encore et toujours grimper vers le sommet de cette montagne en laissant derrière nous s'échapper, sous chaque niveau d'avancée auquel nous parvenons, ce produit dégradant de fait humain - ô fléau sans nom du Progrès ! - qui affecte de mille façons les roches dans lesquelles nous avons formé notre idéal... et au sommet desquelles nous voudrions pourtant l'atteindre ! Ou l'art fascinant de détruire en créant... 

Voilà pourquoi il nous faut apprendre à "voir" de quelle façon nous nous comportons dans notre existence avant de chercher à lui fixer un but : parce que l'humain est un être "assez" contradictoire !

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